Horrible, c'était horrible... Je pleurais, j'étais mal. Je me suis cachée pendant 48 heures
Nous sommes à la terrasse d'un café parisien, elle me raconte... Et j'imagine un passant interceptant ces mots. Peut-être s'imagine-t-il que cette femme, là, devant moi, est la victime d'un viol. Elle l'est, mais d'un viol politique. Explications.
Elle a la trentaine, dynamique, gaie et souriante. Elle est journaliste, très entreprenante. Et dans sa ville, elle a créé des activités, des emplois... De plus, elle s'intéresse à la politique. Rien d'étonnant à ce qu'elle soit contactée par un candidat, à la recherche d'une suppléante. Les législatives approchent.
Rendez-vous pris avec le candidat, échanges sur le fond et sur la forme de la campagne... et elle est partante.
Son talent rédactionnel, son réseau forgé grâce à sa société de communication, et plus encoore le sourire sympathique dont elle ne se départit jamais - même en me racontant son histoire !- Tout, elle est prête à le mettre au service de ce candidat. Mais...
Que les choses soient claires, suppléante mais pas une plante verte !
On verra ça plus tard !
Et la campagne pour les législatives commence... et elle découvre l'expression "on verra ça plus tard"
- Pour la photo, comment on procède?
- On verra ça plus tard...
- Pour le tract, je pense que...
- on verra ça plus tard...
Et c'est ainsi que le "on verra ça plus tard" se traduit par "Les photos sont déjà parties" puis elle découvre un photomontage! Est-ce utile de le préciser, on ne l'a pas consultée ni sur le texte, ni sur la présentation. Elle se retrouve en petit médaillon.
Cette professionnelle de la com' essuie les quolibets de ses amis.
On te verra
Le plan de campagne s'organise, avec au programme une conférence, des rencontres avec les habitants.
Le "on verra ça plus tard" se traduit par un "on te verra"...
- On te verra, mets-toi en robe!
- On te verra, ne fume pas !
Et là voilà donc transformer en escort girl... enfin, comprendre "femme objet" servant de décoration à un candidat.
La suppléante rêvée... sauf que c'était mal la connaître.
Quelques jours avant le dépôt des candidatures, elle a dit "stop!" et je crois même qu'en dépit de ce "stop!", il a déposé son nom. Sauf que c'était mal la connaître... Elle a refusé d'être sa suppléante. Une décision difficile à prendre.
- Je pleurais, j'étais mal, dit-elle. Et je la crois.
Et comme le candidat ne voulait démentir, continuait à faire "comme si elle était sa suppéante", elle a à son tour, communiqué, informé.
- Horrible, c'était horrible ! insiste-t-elle car le téléphone n'arrêtait pas de sonner, les tweets de tweeter...
Sans compter la surprise du candidat, sa stupéfaction ! Lui qui n'avait vu en elle, qu'un potentiel de voix grâce à sa présentation, sa jeunesse et le dynamisme qu'elle incarnait. Le candidat a découvert qu'une femme avait un cerveau, un réseau et du caractère. Pas une plante verte qu'on exhibe !
Et pour échapper à tout cela, elle est partie pendant deux jours.
- Je me suis cachée pendant 48 heures! ce sont ses mots.
Depuis, elle arrive à en rire; même que c'était drôle sur facebook, m'explique-t-elle; puis de préciser :
- Je me suis pas allée voter. Moi, c'est fini la politique!
Et je la remercie;
et l'impression d'être moins seule;
et je repense à la campagne municipale, à mes premiers pas dans le local;
et je suis rassurée de n'être pas la seule à prendre tout trop à coeur ( oui, j'en ai chialé, moi aussi, en d'autres moments et maintenant, j'en ris !)
et je trouve dommage, plus que dommage ce gaspillage... et l'envie de lui dire "Mais si, il ya quelqe chose à faire"...
et je retiens un "On verra ça plus tard" !